Les professionnels de santé et l’obligation vaccinale, focus sur les sages-femmes.

Un an après la mise en place de l’extension des obligations vaccinales, qu’en est-il de la perception des professionnels de santé sur la vaccination et quel est l’impact de la nouvelle loi sur leurs pratiques?

Nous avons interrogé des professionnels de santé sur leurs perceptions de la vaccination et de l’extension de l’obligation vaccinale.

L’enquête a été menée auprès des médecins généralistes, pédiatres et sages-femmes grâce à des questionnaires en ligne, sur la base du volontariat. N’ayant pas les mêmes missions, certaines questions ne concernaient pas les sages-femmes. Elles pouvaient répondre « non concerné » notamment sur « la conséquence des extensions vaccinales » et sur « leur impact sur le rattrapage chez l’enfant de plus d’un an ».

Concernant la profession de sage-femme, l’enquête a été  diffusée via le Collège National des sages-femmes de France  et le Conseil national de l’Ordre  des sages-femmes durant 3 semaines (entre février et mars 2019).

Caractéristique de la population :

Au total, 4091 sages-femmes ont participé à l’étude sur 28932 exerçant en France (source du CNOSF, 2017), soit 14,1% des sages-femmes. Parmi les 4091, 132 étaient des hommes et 3952 des femmes avec une moyenne d’âge de 35 et 38 ans respectivement. 1224 exerçaient en libéral, 2208 étaient salarié.e.s, 659 avaient une activité mixte (libérale/salariée) ou autre.

 

Adhésion des sages-femmes à la vaccination :

Environs 94 % (n=3835) des SF étaient plutôt voire très favorables à la vaccination en général. Entre 96 % et 98 % des moins de 30 ans versus 92 % environ chez les plus de 30 ans étaient favorables à la vaccination. Selon les modes d’exercice, le pourcentage d’avis favorables s’étend de 89 % à 96 % respectivement pour les sages-femmes libérales et les salarié.e.s.

Néanmoins, seulement 55 % des sages-femmes n’étaient réticent.e.s à aucune vaccination. Les moins réticent.e.s étaient les moins de 25 ans, 71 % versus 50 % chez les plus de 45 ans.

Ainsi, 26 % des sages-femmes se sont dites réticent.e.s à la vaccination contre la grippe. Interrogé.e.s sur leur propre vaccination, en 2018-19, 43 % des sages-femmes ont été vacciné.e.s contre la grippe,  ce qui est sensiblement en hausse comparé aux chiffres de 2017-2018 (37 %).

Par ailleurs, 16 % des sages-femmes interrogé.e.s se sont déclaré.e.s réticent.e.s contre la vaccination contre l’hépatite B et 18 % contre l’HPV. Enfin seuls 3 % des sages-femmes se sont déclaré.e.s réticent.e.s vis-à-vis de la vaccination contre la rougeole-oreillon-rubéole, et 6 % vis-à-vis de la vaccination contre le méningocoque ou le pneumocoque. Enfin, seulement 1 à 2 % des SF étaient réticents à la vaccination contre le DTP et la coqueluche respectivement et 5 % contre haemophilus influenzae.

  

Positionnement par rapport à l’extension des obligations vaccinales

84 % des sages-femmes n’avaient pas de perception négative de l’extension de l’obligation vaccinale. C’est parmi les moins de 25 ans que l’extension obligatoire des vaccins est perçue comme une bonne mesure, 85 % versus 62 % chez les plus de 45 ans.

89 % des SF qui n’étaient réticent.e.s à aucun vaccin, trouvent que l’extension des vaccins obligatoires est une bonne chose et 8 % ne se prononcent pas. Parmi les professionnel.le.s réticent.e.s à certains vaccins, les deux tiers ne sont pas défavorables à cette décision.

 

L’impact sur la relation des professionnels avec les parents lors des explications, et la réticence des parents

La majorité des professionnel.le.s concerné.e.s se sentaient à l’aise pour expliquer l’extension des obligations vaccinales et notamment les sages-femmes libérales qui étaient les plus à l’aise car les plus concerné.e.s, puisque ce sont ils.elles qui voient le plus longtemps les familles. En pratique, les sages-femmes réalisent chez les nouveau-nés, la vaccination par leBCG et la vaccination contre l’hépatite B en association avec des immunoglobulines spécifiques anti-HBs chez le nouveau-né de mère porteuse de l’antigène HBs, plus la vaccination contre l’hépatite B des nouveau-nés à Mayotte et en Guyane, selon le calendrier vaccinal en vigueur dans ces collectivités. (Arrêté du 10 octobre 2016).

L’impact de l’extension de l’obligation vaccinale sur la relation des professionnels avec les parents était considéré comme négligeable pour 47 % des sages-femmes (entre 46 % et 53 % environ respectivement pour les SF salarié.e.s et les SF libéral.e.s). 19 % des sages-femmes trouvaient que l’obligation compliquait cette relation (14 % versus 27 % respectivement pour les SF salariées et les SF libérales).

Parmi les 2253 SF qui n’étaient réticent.e.s à aucun vaccin, la moitié trouvait que l’extension obligatoire des vaccins n’avait pas ou peu d’impact sur la relation avec les parents, 11 % trouvaient que ceci simplifiait même les relations. 18 % des SF ne se sentaient pas concernées par cette question.

47 % des sages-femmes trouvaient que l’obligation vaccinale s’était accompagnée d’une augmentation de la réticence des parents vis-à-vis de la vaccination.

 

Analyse

L’analyse de cette enquête doit être prudente car elle porte sur des volontaires non représentatifs de leur profession. La structure d’âge et les secteurs d’activité peuvent expliquer une partie des différences. De plus, l’implication des sages-femmes dans la vaccination mais aussi dans le domaine de la gynécologie sont relativement récentes. Hormis la période post natale, le champ de compétence ne s’étend pas à l’enfant pour le moment (cf. projet de loi de modernisation du système de santé 2019).

Pour autant, malgré ces limites, cette première étude montre, au-delà d’une adhésion forte à la vaccination, une relativement faible adhérence des sages-femmes au vaccin contre la grippe. Les données de la dernière Enquête Nationale Périnatale de 2016 semblent montrer que cette faible adhérence est partagée par les autres responsables du suivi des grossesses, gynécologues-obstétriciens et généralistes, puisque seules 7% des femmes enceintes ont été vaccinées contre la grippe.

Les sages-femmes sont néanmoins des professionnelles de première ligne avec les médecins généralistes et les pédiatres sur la question de la vaccination. Le CNSF doit se saisir de la question pour accompagner les sages-femmes avec leurs divers modes d’exercices. Un dossier Thématique sera effectué en collaboration avec Santé Publique France.

La vaccination contre l’HPV montre également la réticence des SF, qu’il faudrait confirmer et explorer davantage.  L’étude de Verger et al. 2015 montrait l’hésitation des médecins généralistes à la vaccination anti-HPV (Verger P et al. Vaccine hesistancy Among General Practitioners and its Determinants During Controversies: A National Cross-sectional Survey In France; EBioMedicine, 2015) ainsi que la thèse de médecine de SADKI M. sur la perception du vaccin anti-HPV par les médecins généralistes et les attitudes adoptées face aux réticences qu’il suscite (thèse présentée pour le doctorat en Médecine -Diplôme d’état, Amiens: faculté de médecine d’Amiens; 2016, 97 pages).

Des campagnes d’information auprès des professionnels semblent donc nécessaires, en plus de celles à l’adresse du grand public, ainsi que des actions de formation. 

https://www.santepubliquefrance.fr/Accueil-Presse/Tous-les-communiques/Sante-publique-France-lance-une-campagne-pour-promouvoir-vaccination-info-service.fr-aupres-des-professionnels-de-sante

 

Le Collège National des Sages-femmes de France et le Conseil National de l’Ordre des sages-femmes ont contribué à la mise en place de l’enquête et merci à tous les répondants.